Réflexions sur l’individualisme. (1)
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Réflexions sur l’individualisme. (1)
De : collectif-0@no-log.org
C'est un texte passionnant, un peu "long", mais vu qu'il pleut, à lire
tranquillement d'une traite ou en petits morceaux.
Santag.
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Réflexions sur l’individualisme
Savoir — Vouloir — Pouvoir
samedi 14 août 2010
Ce texte de Manuel Devaldès fut publié en Janvier 1936 dans le N° 157 de
La Brochure Mensuelle. Editée de 1928 à 1938 par Georges Bidault, ces
brochures étaient publiées mensuellement et étaient composées d’un texte
unique, soit un « classique » de l’anarchisme, soit un texte plus « actuel
». Dans le soucis de rendre la lecture plus cohérente, et pour pallier au
manque de certains passages illisibles (parfois des pages entières) pour
cause de mauvaise conservation, nous nous sommes permis de couper et
d’assembler certains passages (deux) sans ne jamais modifier un seul mot
et sans nuire au contenu du texte.
Né à Evreux le 5 février 1875, Manuel Devaldès (de son vrai nom
Ernest-Edmond Lohy) était un anarchiste Individualiste. Il fonde la Revue
Rouge en 1895, à laquelle participent Félix Fénéon, Verlaine, Laurent
Tailhade, etc. Il participe également au journal L’En-Dehors d’Armand. En
1912, il est l’un des membres de l’Action d’art. Il s’insoumet en 1914 et
se réfugie en Angleterre qui lui accorde le statut d’objecteur de
conscience. Il collabore alors à de nombreux journaux et revues
libertaires, et est l’auteur de plusieurs livres ou brochures. La chair à
canon (1908), Contes d’un rebelle (1925), Anthologie des écrivains
réfractaires (1927), etc. Il meurt le 22 décembre 1956.
Ravage Éditions.
Individualisme libertaire et individualisme autoritaire
Il est peu de mots qui soient plus diversement interprétés que celui d’«
individualisme ». Il est, par suite, peu d’idées plus mal définies que
celles représentées par ce vocable. L’opinion la plus répandue et que les
ouvrages d’enseignement populaire se chargent de confirmer, c’est que
l’individualisme est un « système d’isolement dans les travaux et les
efforts de l’homme, système dont l’opposé est l’association. »
Il faut reconnaître en cela la conception vulgaire de l’individualisme.
Elle est fausse et, en outre, absurde. Certes, l’individualiste est
l’homme « seul », et on ne peut le concevoir autre. « L’homme le plus fort
est l’homme le plus seul », a dit Ibsen. En d’autres termes,
l’individualiste, l’individu le plus conscient de son unicité, qui a su
réaliser le mieux son autonomie, est l’homme le plus fort. Mais il peut
être « seul » au milieu de la foule, au sein de la société, du groupe, de
l’association, etc., parce qu’il est « seul » au point de vue moral, et
ici ce mot est bien synonyme d’unique et d’autonome. L’individualiste est
ainsi une unité, au lieu d’être comme le non-individualiste une parcelle
d’unité.
Mais la grossièreté des incompréhensifs n’a pu voir la signification
particulière de cette solitude, ce qu’elle a d’exclusivement relatif à la
conscience de l’individu, à la pensée de l’homme ; elle en a transposé le
sens et, dans son habitude du dogmatique et de l’absolu, l’a attribué aux
actions économiques de l’individu dans le milieu social, faisant de lui un
insociable, un ermite, — d’où le mensonge et l’absurdité de la définition
précitée. Que l’on dise « seul » avec Ibsen, ou « unique » avec Stirner,
pour caractériser l’individualiste, les béotiens adopteront la lettre et
non l’esprit de ces vocables. Leur incapacité d’interpréter justement le
mot a engendré l’erreur, qu’il importe de faire surgir, avec à côté d’elle
la vérité.
Si cette conception de l’individualisme est fausse, ce n’est pas du fait
que les hommes qui se disent, dans le présent, individualistes vivent
comme les autres en société, car les sociétés actuelles imposent à
l’individu une association déterminée : l’individu subit cette
association, mais là s’arrête sa participation, qui n’est nullement
bénévole. De quoi on peut inférer que l’individualisme n’est pas, par
conséquent, l’opposé de l’association, c’est de ce que bon nombre
d’anarchistes communistes, donnant à l’expression de « communisme » un
sens moins religieux, moins chrétien, s’affirment également
individualistes. Max Stirner lui-même, une des lumières de la philosophie
individualiste, préconise dans son immortel livre : L’unique et sa
propriété, l’« association des égoïstes ». Enfin, ce qui est surtout
convaincant, c’est d’approfondir la question, après quoi on voit qu’étant
donné le caractère de l’individualisme, cette conception de la vie n’exige
point dans sa pratique l’isolement physique ou économique des individus
et, par suite, ne s’oppose pas à leur association.
La plupart des opinions et des convictions de la « majorité compacte »
sont basées sur des définitions de cette sorte, qui, passant à la dignité
de clichés, formulent des préjugés difficilement déracinables, que
l’ignorance prétentieuse de certains « intellectuels » et aussi l’intérêt
de certains autres plus éclairés transmettent à l’ignorance humble des
gens du troupeau. Pour être intellectuel, on n’en demeure pas moins homme,
c’est-à-dire soumis aux lois naturelles. Or, il est d’ordre naturel que le
fort absorbe le faible. C’est ainsi que certains intellectuels peuvent
apparaître comme des demi-savants aux hommes du peuple émancipés par
eux-mêmes et passionnés de vérité. Mais ce que ceux-ci sont parvenus à
apprendre et à surprendre, les savants en question ne l’ignorent pas ;
seulement, ils ne le diront point, parce qu’ils ont, chacun pour son
propre compte, intérêt à ce que l’état de choses actuel, d’où naissent
leurs privilèges bourgeois, se perpétue ; et comme il ne dure que grâce à
la demi-science servie à la masse, que, pour mieux dire, grâce au
mensonge, ils se taisent ou ne livrent que des vérités incomplètes.
Observez dans les sociétés actuelles la différence d’éducation des
prolétaires et des privilégiés. Vous avez là tout le secret de la méthode.
Un homme du peuple, issu de l’enseignement primaire, ignore, comme il le
faut, ce qu’est réellement l’individualisme et surtout sur quoi il se
fonde, il ne s’en inspirera donc jamais pour se conduire dans l’existence
; il est voué à l’absorption par les forts ; c’est parfait, — au point de
vue de l’État, ou plutôt de ceux qui pourraient dire avec quelque raison :
« L’État, c’est nous ». Par contre, un homme de l’« élite », formé par
l’enseignement secondaire ou supérieur, possède l’idée exacte de
l’individualisme et de ses bases scientifiques. C’est pour lui la vérité
même, mais la vérité qu’on garde pour soi. L’excellent « struggler » que
voilà ! Il peut triompher : il a des armes et les autres sont désarmés.
Car il s’en souviendra à toute occasion pour le mieux de ses intérêts et
il continuera à l’égard du troupeau les errements de ses devanciers.
Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.
De l’individualisme qui, par essence, est libertaire, il fera une
philosophie bâtarde et à double face (activité en haut, fatalisme en bas
de la société), justifiant tous les méfaits de la classe régnante. De là
la distinction relativement juste que l’on a été contraint de faire, pour
être compris d’un public mal informé, entre l’individualisme libertaire et
l’individualisme bourgeois ou autoritaire. Mais, en définitive, il n’est
qu’un individualisme, qui est essentiellement libertaire, foncièrement
anarchique.
Alors que l’individualisme libertaire, l’individualisme réel, donne des
armes aux faibles, non de manière à ce que devenus forts ils oppriment à
leur tour les individus demeurés plus faibles qu’eux, mais de telle façon
qu’ils ne se laissent plus absorber par les plus forts, — le prétendu
individualisme bourgeois ou autoritaire s’efforce uniquement de légitimer
par d’ingénieux sophismes et une fausse interprétation des lois naturelles
les actions de la violence et de la ruse triomphantes.
Lamarck, Malthus, Darwin et leurs successeurs ne supposaient certainement
pas qu’on pût un jour faire servir leurs découvertes, dont la philosophie
individualiste découle directement, à une aussi jésuitique besogne ;
cependant il était inéluctable que la force les accaparât dès l’abord et
en fit son profit comme de toutes choses. Mais chaque vérité porte en soi
le germe d’une bonté future. La bonté de leur œuvre et de ses conséquences
tend à devenir effective. Actuellement, l’homme du peuple s’instruit, seul
ou en coopération ; il se familiarise avec l’analyse, le raisonnement et
la critique ; il tâche à connaître sa propre nature, les mobiles des
actions humaines, le mécanisme et les forces de la machine à opprimer les
faibles, les lois naturelles et les réalités sociales. Le troupeau va
s’individualisant. L’individu œuvre à se réaliser selon sa définition :
unique et autonome.
C’est qu’il se convainc progressivement de ces vérités primordiales :
La force, c’est savoir.
La faiblesse, c’est de croire.
L’individu
Tel que le comprend la philosophie individualiste, l’individu, capacité
potentielle d’unicité et d’autonomie, n’est pas une entité, une formule
métaphysique : c’est une réalité vivante. Ce n’est point comme l’avait cru
Fichte critiquant l’« unique » de Stirner, un Moi mystique, abstrait, dont
le culte ridicule et néfaste aboutirait à la négation de la sociabilité
qui est cependant une qualité innée de l’homme et engendre des besoins
moraux qu’il faut satisfaire sous peine de souffrance.
Avec ce caractère religieux bien particulier, l’individualisme
équivaudrait à un stupide isolement systématique, ainsi qu’à une lutte
barbare et incessante où l’homme perdrait tout acquis ancestral et toute
possibilité de progresser. Le culte de ce Moi abstrait engendrerait
l’esclavage, de même que le culte du Citoyen, — L’Homme du positivisme —
est né de la servitude moderne, caractérisée par la contrainte
associationniste et solidariste de la société actuelle qu’impose l’État
aux individus.
Certes non, le moi individualiste n’est pas une abstraction, un principe
spirituel, une idée : c’est le moi corporel avec tous ses attributs :
appétits, besoins, passions, intérêts, forces, pensées, etc. Ce n’est pas
le Moi, — idéal ; c’est moi, toi, lui,— réalités précises. Ainsi la
philosophie individualiste se plie à toutes les variations individuelles,
celles-ci ayant pour mobile l’intérêt que l’individu attache aux faits et
aux choses et pour régulateur la puissance dont il dispose. Elle instaure
par cela même une harmonie naturelle, plus vraie et plus durable que même
une harmonie factice et toute superficielle due aux religions, aux morales
dogmatiques et aux lois, forces de ruse, aux armées, aux polices, aux
bagnes et aux échafauds, forces de violence, dont disposent les
autoritaires.
L’individualisme ne se meut que dans le domaine du réel. Il rejette toute
métaphysique, tout dogme, toute religion, toute foi. Ses moyens sont
l’observation, l’analyse, le raisonnement, la critique, mais c’est en se
référant à un critérium issu de soi-même, et non à celui qu’il puiserait
dans la raison collective en honneur dans le milieu, que l’individualiste
établit son jugement. L’individualisme répudie l’absolu, il ne se soucie
que du relatif. Enfin, il place l’individu, seule réalité vivante et
unique, capable d’autonomie, comme centre dans tout système moral, social
ou naturel.
— Certainement, monsieur le professeur de morale, notre nombril est le
centre du monde, comme vous dites quand, par mégarde, vous poussez une
pointe en terre d’Ironie. Il est le centre du monde pour chacun de nous,
individualistes, autant que pour vous, monsieur l’esclave, ou plutôt
l’esclavagiste ; seulement, nous le disons haut, alors que vous le cachez
soigneusement en enseignant gravement le contraire.
Je suis pour moi, tu es pour toi, il est pour lui le centre du monde !
Ne riez pas. A mesure que Dieu perd en chacun de nous cette prérogative
longtemps conservée d’être le centre du monde, le but de nos actes, le
mobile usurpateur de notre activité, — à mesure chacun s’empare de cette
prérogative pour son propre compte. Mais, pour cela, il faut qu’auparavant
tous les absolus métaphysiques, qui ne sont que des avatars divins, aient
rejoint Dieu dans sa fuite nébuleuse de fantôme un peu grotesque. Notre
raison clame alors la permanence du relatif, — du relatif à notre moi,
naturellement.
— Où places-tu, toi, mon contradicteur chrétien, le centre du monde ?
— En Dieu.
— Et toi, monsieur le positiviste, monsieur l’« athée », qui ne crois pas
croire en Dieu, parce que tu ingurgites l’anticlérical saucisson du saint
vendredi ?
— ...
— Tu ne sais déjà plus lequel choisir des divers ostensoirs qui s’offrent
à tes yeux dévots. Des centres du monde, tu en as à revendre. Dans le
domaine du sacré, tu n’as que l’embarras du choix ; tu peux à ton aise
graviter autour de tel ou tel centre, selon l’occasion. C’est pourquoi tu
es le même pauvre être, sinon pire, que ton voisin le théiste, qui au
moins ne connaît que son seul Dieu. Du monde où tu t’agites, tu mets le
centre partout, sauf où il est et où tu devrais le voir, en toi. Tu n’es,
de ta propre volonté, — as-tu seulement une volonté ? — tu n’es de ta
volonté d’inconscient, qu’un pauvre satellite qui tourne continuellement
autour de centres illusoires, d’apparence à tes yeux plus ou moins divine.
Pendant ce temps, les prêtres cléricaux et laïques de tous les cultes font
leur besogne de coupe-jarrets et de vide-goussets.
Moi, l’individualiste, je suis le centre de tout ce qui m’entoure. Ainsi,
ma dépense d’activité, toutes mes actions, raisonnées comme passionnées,
méditées comme spontanées, ont-elles un but qui est toujours ma
satisfaction personnelle. Quand mon activité se dirige vers autrui, je
suis certain qu’en définitive son produit matériel ou moral me reviendra.
Il ne tient qu’à l’autre qu’il en soit de même pour lui.
J’ai une morale personnelle, et je m’insurge contre la Morale ; je
pratique une justice personnelle et je refuse le culte à la Justice, etc.
Je suis le sage et tu es le fou, je suis l’homme libre et tu es l’esclave,
je suis l’homme de joie et tu es l’homme de peine...
La signification première de l’individualisme se résume donc en ceci,
qu’il oppose aux entités, aux abstractions prétendument supérieures à
l’homme et au nom desquelles on le gouverne, la seule réalité qui soit
pour lui : l’individu, l’homme, — pas L’Homme des positivistes, « essence
de l’homme », l’individu citoyennisé, électeurisé, mécanisé, annihilé —
l’homme que je suis, que tu es, qu’il est : — soi.
A l’intérêt des divinités imaginaires, j’oppose mon intérêt. A toute
prétendue Cause Supérieure, j’oppose ma cause.
De cette manière, tout ce qui, dans toute philosophie religieuse et
conséquemment dans tout système social religieux, émanait de l’individu,
inférieur, vile matière, méprisable atome, simple unité, pour aboutir à
ces entités, à ces abstractions divinisées et demeurer leur propriété,
l’individu étant ainsi dépossédé, — tout cela reste la propriété de
l’individu ; les abstractions qui ont lieu d’être admises dans la
mentalité humaine pour exprimer les rapports interindividuels sont
désormais dépourvues de leur fausse supériorité, de leur sainteté,
réduites à leur rôle simplement utilitaire ; elles sont dès lors,
dépourvues de la nocuité dont on les avait dotées.
Ainsi, plus de sacrifice de l’individu à La Société et à ses prêtres, à La
Patrie et à ses prêtres, au Droit et à ses prêtres, à Dieu ou aux Dieux à
leurs prêtres. L’homme devient enfin le seul bénéficiaire de son travail,
le propriétaire de toute chose dont la conquête motiva ses efforts et ses
travaux.
Qu’est-ce que la société, sinon la résultante d’une collection d’individus
? Comment la société peut-elle avoir un intérêt (pourquoi pas aussi des
appétits, des sentiments, etc.) ? Et pût-elle avoir un intérêt, comment
celui-ci pourrait-il être supérieur et antagonique à l’intérêt des
individus qui la composent, si ceux-ci sont libres ? Quel non-sens ou quel
hypocrite méfait n’est-ce pas, par suite, de façonner les individus pour
la société au lieu de faire la société pour les individus ?
Ne pouvons-nous, individus, remplacer l’État par nos libres associations ?
A la loi générale, collective, ne pouvons-nous substituer nos conventions
mutuelles, révocables dès qu’elles sont une entrave à notre bien-être ?
Avons-nous besoin des patries parcellaires qu’ont faites nos maîtres,
alors que nous en avons une plus vaste : la Terre ?
Et ainsi de suite. Autant de questions que le libre examen de
l’individualiste résout justement à l’avantage de l’individu.
Sans doute, ceux qui vivent du mensonge, qui règnent par l’hypocrisie, les
maîtres et leur domesticité de prêtres et de politiciens, peuvent être
d’un avis différent parce que leur petit, très petit intérêt les y invite.
Mais moi, individualiste et homme de labeur, dont ce n’est l’intérêt ni le
vouloir de voler autrui, non plus que d’être volé par autrui, je ne puis
penser comme eux et je m’insurge.
Ils se vengeront de cette insurrection en me discréditant. Soit.
L’individualiste est abhorré des maîtres, des valets et de la masse
moutonnière. C’est fort compréhensible. Et ce sera la norme tant que
l’ignorance sera la reine du monde. Le penseur individualiste, s’il veut
que justice soit rendue à son verbe et à ses actes, doit attendre un
lointain âge de raison — sous l’orme évolutionniste... Mais il n’a que
faire de la justice des autres. La sienne lui suffit pour se satisfaire
immédiatement.
L’individualisme étant généralisé, l’individu n’est nullement dépossédé et
enchaîné : il est le propriétaire du produit de son travail et il est
indépendant. Quant aux parasites qui ne vivaient que grâce à cette
croyance en d’Illusoires Causes Supérieures, exigeant l’holocauste d’un
être inférieur, ils sont obligés de devenir des producteurs comme les
autres — ou de disparaître.
C’est après ce que nous venons d’exposer que la pensée de l’aristocrate M.
de Voltaire, qui tenait le peuple — la canaille, pour employer son langage
— pour troupeau à tondre, s’explique fort bien : « Si Dieu n’existait pas,
il faudrait l’inventer ». Il faut un Dieu pour que le prétexte de es
volontés mystérieuses, de sa religion, de son culte, serve à maintenir la
masse des individus dans une servitude propice aux profits et privilèges
des prêtres de toutes sortes et surtout des maîtres.
Mais aussi de quelle lumière s’entoure ensuite la fière boutade de
Bakounine : « Si Dieu existait, il faudrait l’abolir » ! Si Dieu existait,
il comporterait la servitude d’une vraie Cause Supérieure, il
déposséderait l’homme de son avoir ; il faudrait qu’il n’existât point
pour la liberté et le bonheur de l’homme.
Laplace disait : « L’hypothèse Dieu est inutile ». Depuis son temps, les
sciences ont progressé ; le résultat de leurs investigations dans le
domaine de l’homme et des sociétés humaines nous porte à dire : le
mensonge Dieu est nuisible, ce qu’en d’autres termes avait affirmé
Proudhon par son célèbre aphorisme : « Dieu, c’est le mal ». Car la cause
de Dieu est la Cause Supérieure par excellence, d’où découlent toutes les
autres causes des abstractions supériorisées, divinisées, avec leur
attirail de droits et de devoirs, de récompenses et de punitions, basés
sur la stupidité du libre arbitre.
A quoi sert de tuer Dieu si nous enfantons le divin.Tant que l’homme sera
persuadé de l’existence de causes supérieures à la sienne propre, il sera
fatalement, et pour ainsi dire légitimement, privé d’autonomie réelle ;
son unicité ne sera qu’un mot : le fantôme Dieu, dans ses divers et
coexistants avatars, lui ravira la joie.
Égoïsme et altruisme
Comme nous l’avons dit et ainsi qu’on le verra par la suite,
l’individualisme ne conduit ni à l’isolement aprioriste, ni à
l’association obligatoire : il adopte le régime de la liberté.
L’individualiste n’est ni un ermite, ni une bête de troupeau ; c’est un
homme sociable, comme tous les autres hommes, d’ailleurs ; en quoi il se
différencie d’eux sur ce point, c’est en jugeant que son instinct de
sociabilité ne doit pas être pour lui une cause de malheur et d’esclavage,
mais au contraire une source de joie ayant cours en liberté.
Le « maître » nietzschéen, maniaque de la « dureté », le « surhomme », que
l’on prend trop volontiers pour un simple individualiste, est peut-être
cela, mais est certainement aussi une bête féroce contre laquelle les
hommes qui s’en tiennent au caractère humain auraient à se mettre en
garde, si toutefois ce prétendu surhomme pouvait exister dans un monde
libertaire.
Notre individualiste, lui, est un être de raison, et si un instinct le
pousse à la férocité, ce qui est invraisemblable, ou au moins serait
exceptionnel, sa raison lui ferait vite saisir qu’il est de son intérêt de
n’être pas la bête exaltée par le chantre à la fois génial et fou de
Zarathustra. La situation de bête de proie n’est pas éloignée de celle de
proie...
Qu’on distingue la nuance : ce n’est pas parce que les actes naissant du
déchaînement de cet instinct sont qualifiés « mal » par une morale
dogmatique quelconque qu’il ne les perpétrera point, non plus qu’il n’en
accomplira d’autres d’ordre contraire parce qu’ils sont étiquetés « bien
», mais parce qu’il sera de son intérêt de ne point perpétrer les uns et
d’accomplir les autres, parce qu’ainsi il satisfera dans la mesure de la
liberté qui lui est dévolue naturellement — c’est-à-dire de sa capacité,
de sa puissance — son égoïsme, dont l’intérêt primordial réclame la vie.
Vivre est en effet le seul but de la vie. Mais vivre, c’est être heureux.
Or le bonheur ne se trouve pas dans une lutte meurtrière, dans la
sauvagerie primitive. Les individus ont donc intérêt à s’entendre, à la
concorde, à la paix, mais ils ne seront aptes à conquérir ces biens que
lorsqu’ils sauront.
Savoir, — savoir pourquoi et comment ils agissent, connaître le mobile
véritable et le but naturellement légitime de leurs actions, voilà qui
aidera les hommes à se délivrer des causes de discorde et donnera à
l’inévitable lutte pour la vie un caractère pacifique. Ainsi la vie
acquerrait une sincérité et une facilité que la pratique des morales
dogmatiques ne peut donner.
Dans l’individualité réside la conception réaliste de l’existence, puisque
cette conception prend ses racines philosophiques dans l’observation de la
nature, dans la science expérimentale, dans les vérités acquises,
démontrées, vérités dont elle pousse les conséquences vitales jusqu’à
l’extrême limite compatible avec la raison humaine, étant entendu que
cette raison — qui est celle de chacun et non La Raison, la déesse Raison
— n’exclut pas la passion, dont elle est au contraire l’auxiliaire. A
cette limite se trouve le bien-être relatif de l’homme évoluant dans une
liberté qui a pour régulateur le propre intérêt de l’individu.
C’est dire que l’individualisme est aussi une conception rationnelle — non
pas rationnelle à la façon des libéraux, beaucoup trop « raisonnable »,
mais à la manière des libertaires, infiniment moins « raisonnable »...
Une de ces vérités définitivement acquises est à la base de la philosophie
individualiste, c’est celle de l’égoïsme seul moteur des actes humains.
L’égoïsme ! quel mot méprisé, hypocritement méprisé ! Quel sentiment
honni, vilipendé par nos professeurs de morale et de la masse suiveuse !
Tartufe veille... Cependant, l’égoïsme commande toutes nos actions dans
nos rapports avec autrui et il n’est pas un de ceux qui témoignent à son
sujet cette sainte horreur, qui ne l’ait en lui-même et ne le ressente à
un degré quelconque, sans jamais cesser de lui obéir... Lors même qu’il
semble que l’homme ne se livre pas à son égoïsme, il s’y livre absolument.
Les moralistes, naturellement, nous assurent que l’égoïsme est un « vice
», le « vice de l’homme qui rapporte tout à soi ». Quel misérable, quel
être ignoble est celui qui pousse à la bassesse jusqu’à rapporter tout à
soi ! Il est évidemment plus agréable aux maîtres, celui qui rapporte
tout, sinon ouvertement à autrui, au moins à L’Idée. L’Idée sacrée.
Derrière L’Idée, l’« autrui » est sous-entendu. Il n’y a de cette manière
rien de perdu... pour le gouvernant, le possédant, le prêtre, le
domestique, toute la chefferie et sa chiennerie.
Nous disons que l’égoïsme est une vertu, non au sens religieux que la
morale dogmatique attribue au mot « vertu », mais dans celui que lui donne
le scientiste : c’est une force, une vertu vitale qui s’affirme en l’homme
dès sa naissance, et se précise et se fortifie à mesure que sa conscience
de soi grandit chez lui. Plus il est atténué, moins l’homme a de force
combative, de volonté de vivre, plus il est apte au sacrifice de soi aux
forts qui tenteront de le subjuguer. Plus il est accentué, plus l’homme
possède virtuellement de vie en lui, plus il a de volonté de vivre.
C’est de l’égoïsme que veut parler Nietzsche lorsque, fort justement, en
refaisant la table des valeurs morales, il place au premier plan la «
volonté de puissance », et c’est pour conserver à l’homme cette force
vitale qu’il condamne la « morale d’esclaves » issue du christianisme. Où
est l’erreur, c’est lorsqu’il assimile puissance à domination et oppose à
la morale d’esclaves la « morale de maîtres ». Que ne lui a-t-il opposé
simplement une morale d’hommes libres ? Sa conception de l’existence n’eût
pas abouti à la sauvagerie, à la tyrannie, à l’esclavage, à un idéal
social qui, réalisé, vaudrait peut-être moins que l’état actuel.
La récompense dans l’au-delà, imaginée par les théistes et les
spiritualistes et promise aux fidèles de chacune de leurs religions par
leurs prêtres, est la preuve que les initiateurs de cultes et leurs
continuateurs connaissaient bien la nature humaine et savaient que l’homme
agit toujours suivant des mobiles intéressés.
Tout en faisant pratiquer par l’homme l’artificiel altruisme,c’est-à-dire
le sacrifice de soi, durant sa vie, pour leur profit, à eux, prêtres, ils
le font en même temps travailler pour la satisfaction illusoire d’un
égoïsme dont l’intérêt s’attache à la récompense ultra-terrestre. C’est,
on en conviendra, un égoïsme suprêmement prévoyant : on peut bien
sacrifier le temps à l’éternité.
Quelle bouffonnerie ! Mais aussi quel marché de dupe admirablement combiné
et comme cela explique joliment l’horreur des théistes et des
spiritualistes pour le matérialisme qui va bouleverser cela. C’est toute
une industrie menacée de ruine, les églises expropriées — sans indemnité,
la banqueroute divine. Il est vrai que les prêtres n’ont qu’à changer de
culte. Du céleste ils peuvent sauter dans le terrestre. Le divin passe la
main au civique. Les églises des religions sociales ouvrent les battants
de leurs tambours aux transfuges des églises théistes. C’est bien ce que
font les plus avisés, mais la carrière est déjà si encombrée ! Il faudrait
faire en sorte que Dieu changeât une fois encore de peau. C’est facile à
dire, mais ce n’est pas dans les moyens de tout le monde...
Dès que l’on s’est rendu compte de cette identité de l’égoïsme et de
l’énergie vitale, de cette parenté étroite entre l’égoïsme et la vie, on
conçoit que tous ceux qui vivent en parasites, grâce à l’existence d’un
prolétariat forcément ignorant, ont intérêt à persuader leurs esclaves de
l’existence en eux, parasites, de l’esprit de sacrifice, d’abnégation, de
dévouement, de l’altruisme enfin, — ensuite à s’efforcer de faire naître
artificiellement cet altruisme chez lesdits esclaves. C’est à cet effet
qu’ils présentent l’égoïsme à l’homme dès l’enfance comme un sentiment
ignoble, dont chacun doit se débarrasser pour parvenir à un prétendu état
de dignité morale, de pureté de sentiments, de grandeur d’âme, qui n’est
qu’un état de faiblesse imbécile. Avec le prêtre théiste, il faut être
L’Homme, Le Citoyen. Cela revient au même : en aucun cas il ne faut être
soi.
Mais heureusement, bien que par cette œuvre d’asservissement, vieille
comme la civilisation, ils soient parvenus à un résultat qui n’est que
trop appréciable, nos moralistes n’ont pu vaincre absolument la nature en
l’homme. Nous avons dit que nul être vivant n’échappe à ses lois. «
Chassez le naturel, il revient au galop. » A chaque nécessité pressante,
l’égoïsme exige la priorité sur tout autre sentiment artificiel, créant
ainsi ces conflits intérieurs qui mettent à mal l’homme moderne, saturé de
préjugés et de respects, empreint de religiosité, déshabitué de toute
volonté naturelle, libre, passionnée et chez qui la nature lutte en
permanence avec la morale dogmatique et antinaturelle.
Veut-on un exemple typique de cette reconquête de l’égoïsme sur l’esprit
de sacrifice ?
Le culte de La Patrie exige une natalité intense, afin que le territoire
placé sous l’invocation de cette divinité soit défendu contre l’invasion
des fidèles d’une autre église patriotique. Or, en France, par exemple, si
l’on examine le fait actuel de la dépopulation en dehors de son
déterminisme quasi-mécanique, c’est-à-dire si on le considère sous l’angle
individuel, en tant que phénomène consciemment voulu par les individus
pour leur part respective, on remarque que les prêtres de La Patrie ont
beau adjurer les patriotes mâles et femelles dont ils ont l’oreille, de
fabriquer la chair à canon nécessaire au culte de leur idole, les
patriotes, qui ont un plus puissant intérêt physique et économique à ne
pas se reproduire, s’abstiennent volontairement de faire leur « devoir »,
lequel serait d’immoler cet intérêt sur l’autel de La Patrie en se donnant
une famille nombreuse. A leur devoir, à leur intérêt fictif de religieux,
ils préfèrent avec raison leur intérêt réel, leur intérêt personnel, — ce
qui ne les dispensera pas, à leur propre jugement, — ces fantoches, — des
tirades patriotardes.
Est-il nécessaire d’ajouter que les prêtres de La Patrie eux-mêmes sont
les premiers à se garder de toute prolificité ? Cela va sans dire...
L’égoïsme affirmé, c’est l’altruisme nié.
L’altruisme est, au sens général, — puisqu’il peut prendre des formes
diverses comme aussi des appellations différentes dans l’esprit des
moralistes —, la « vertu » qu’on lui oppose.
Or l’altruisme est un mythe. Sa plus grande valeur à nos yeux est sa
non-existence. Il n’existe pas dans l’homme à l’état naturel, ce qui est,
au contraire, le fait de l’égoïsme.
J’ai beau retourner, analyser les actes humains, je ne puis en trouver un
seul qui ne soit inspiré par l’égoïsme, autrement dit qui n’ait pour objet
le contentement de celui qui agit, et je ne puis imaginer un individu qui,
à moins d’être malade ou dément, donne de soi à autrui, sans avoir, au
préalable, assuré la satisfaction de son moi, au moins dans les limites où
s’impose le besoin plus impérieux de sa propre conservation.
Que, étant donné les circonstances, l’acte d’un individu, tout en le
satisfaisant personnellement, contente également l’égoïsme de l’autre à
qui il s’adresse, cela est non seulement possible, mais arrive fréquemment
et il est nécessaire qu’il en soit ainsi pour que puisse vivre la libre
association des égoïstes que nous prévoyons. Mais il n’y a là rien de ce
qu’on pourrait appeler altruisme, ou encore désintéressement, puisque
l’individu a pour seul motif d’action la volonté de satisfaire sa passion.
Directement et naturellement, nous le répétons, l’altruisme n’existe pas.
Cela ne se peut qu’indirectement et artificiellement, par le truchement
religieux du sacrifice. Ce n’est donc plus le prétendu altruisme pratiqué
spontanément : c’est le devoir.
Prenons en exemple deux manifestations de l’activité de l’individu d’où
peut résulter la satisfaction de l’autre qu’elles concernent.
Quand un individu donne sous une forme quelconque de soi à autrui,
librement, par passion affective, il ne fait que céder à un besoin
naturel, propre à soi : il y a là un simple mode de manifestation de
l’égoïsme se satisfaisant.
Mais quand l’individu donne de soi à autrui, sous la contrainte de la
morale dogmatique, par devoir en un mot, il y a sacrifice. L’altruisme ne
peut exister qu’ainsi, par surprise et contrainte. Cependant, qu’on le
remarque, à la base de l’acte se trouve encore l’égoïsme, car l’individu
croit se satisfaire et agir au mieux de son intérêt, en accomplissant le
devoir.
Cela nous conduit à dire que l’altruisme est artificiel et n’a cours que
comme devoir, sous l’influence d’une contrainte morale, — et que tout acte
accompli librement est un acte égoïste.
Etant établi que l’altruisme ou sacrifice de soi ne se produit
qu’indirectement et artificiellement, sous la contrainte de l’autorité
persuasive, de la force de ruse, par la religion d’une idée étrangère à
soi, il découle que ce qui, au contraire, est fait par passion, librement,
sous l’unique impulsion de l’idée propre au moi, ou de l’idée assimilée
par le moi sous l’influence émancipatrice du libre examen, il découle que
cela est d’ordre égoïste.
Ceci étant connu de l’individu, il se met de lui-même en garde contre les
tentatives de vol et d’assassinat de la bande d’« altruistes », de «
philanthropes » et d’« humanitaires » qui s’intéressent à son sort... pour
assurer le leur.
Il ne lui reste plus, comme de première nécessité, pour obtenir la
puissance réelle, qu’à élucider une question de tactique personnelle et
acquérir la plus grande somme de science pratique possible.
En résumé :
L’égoïste — être naturel — se satisfait par passion. C’est
l’individualiste, l’irréligieux.
L’altruiste — être artificiel — se sacrifie par devoir. C’est le sacrifié,
le religieux.
La volonté de se sacrifier n’existant pas chez l’homme à l’état naturel,
le besoin de la créer est né chez les individus qui voulurent vivre en
parasites du travail d’autrui. Ce fut l’œuvre de tous les prêtres
cléricaux et laïques de tous les cultes, de toutes les religions théistes
ou sociales, depuis la plus mystique jusqu’à la plus positive.
En même temps qu’ils annihilaient théoriquement l’individu, en le
considérant comme quantité négligeable, dans leurs systèmes, —
pratiquement, par l’éducation, la moralisation, ils réalisaient cet
anéantissement en enchaînant l’individu à toutes sortes d’abstractions et
aux institutions autoritaires placées sous l’égide de celles-ci.
Ils ont réalisé ce tour de force d’obscurcir les sentiments égoïstes de
l’homme et de faire qu’il se sacrifiât aux Idées, — derrière lesquelles
ils s’embusquent, eux, les prêtres, et leurs maîtres, profiteurs associés.
L’homme avait en son cerveau ses armes : les idées. Les prêtres sont
venus, ont extériorisé les idées ; les ont dressées comme des êtres
véritables et supérieurs à l’homme et en ont peuplé son « ciel ». Dès
lors, l’homme fut une machine travaillant pour Les Idées, leur
subordonnant son intérêt réel et ne gardant au creux de ses mains que
juste ce qu’il faut pour continuer cette besogne d’esclave.
C’est grotesque, c’est fou, et cependant cela est. Les plus intelligents
parmi ces estropiés du cerveau que sont les religieux ont à tel point
perdu la conception naturelle des choses qu’ils croient ainsi travailler
réellement pour eux-mêmes, pour leur bonheur. Les prêtres, certes oui ;
mais les fidèles, non.
deux églises n’en contiennent pas moins également des maîtres et des
esclaves, des parasites et des prolétaires.
Le qualificatif change, l’homme demeure.
Tant que chaque individu n’aura pas été nourri de la philosophie
individualiste et qu’il ne pourra en conséquence opposer son égoïsme —
conscient et sciencé — à l’égoïsme envahisseur, il y a aura des maîtres et
des esclaves, infailliblement.
— Si l’égoïsme est l’obstacle à la bonne autorité, ne fait-on pas bien
d’essayer de le bannir de la nature humaine ? dira le moraliste, sincère
parfois.
Le réformateur de la nature nous amuse toujours... à cause de son
impuissance.
— Tu n’es qu’un pauvre ver, tu es ignoble par nature, dit-il à l’homme.
Et voilà pour le moralisé la cause initiale de son malheur. Nous disons
initiale, car Dieu lui-même est né de cette croyance primordiale. Il se
croit immonde, le malheureux ! On le lui a dit : il le croit. Si, par
contre, on ne peut trouver pour tout homme une justification d’un éventuel
orgueil, encore moins en peut-on trouver une pour l’humilité, le vice
religieux par excellence.
En somme, la morale individualiste vise à une adaptation de la société à
la nature pour aboutir au bonheur relatif de l’individu.
Que sera cette morale individualiste ? Oh ! elle sera très immorale...
Tout d’abord, elle ne s’enseignera pas — et néanmoins elle se pratiquera.
Elle sera donc le contraire de la morale dogmatique. Elle sera une
résultante de l’enseignement scientifique et de l’exemple du milieu
éducatif. On évitera d’enseigner la morale, on se contentera d’en faire
naître la libre pratique.
Santag- Brigand
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